[Vaud] Des dizaines de familles sans papiers reçoivent le soutien du Grand Conseil

Des dizaines de familles sans papiers reçoivent le soutien du Grand Conseil


Paru le Mercredi 17 Mars 2010 - LE COURRIER - MICHAËL RODRIGUEZ    

PÉTITION - Les députés vaudois demandent au Conseil d'Etat de tout entreprendre pour régulariser 67 familles. Un nouveau revers pour le ministre Philippe Leuba.

Le Parlement vaudois refuse de baisser les bras face à «l'hypocrisie» qui règne sur le dossier des sans-papiers. Contre l'avis du ministre de l'Intérieur, Philippe Leuba, les députés ont apporté hier leur soutien à une pétition visant à régulariser 67 familles sans statut légal. Trois semaines après le vote de principe en faveur de l'accès des jeunes sans papiers à l'apprentissage, le Grand Conseil donne un nouveau signe d'ouverture.

Vote serré

Hier, le rapport de forces était toutefois plus serré. C'est par 69 voix contre 67 et 2 abstentions que les députés ont décidé, au terme d'un débat électrique, de transmettre la pétition au Conseil d'Etat. Ce texte demande au canton de tout entreprendre pour la régularisation de 67 familles (182 personnes) et, dans l'intervalle, de suspendre les renvois. Une revendication qui a trouvé un écho auprès de la population, puisque 3500 personnes ont signé la pétition lancée par le Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers.

Les personnes concernées travaillent dans les secteurs les plus divers (agriculture, économie domestique, hôtellerie-restauration, social), et vivent en Suisse depuis de nombreuses années. «Elles assument leurs obligations en payant impôts et cotisations sociales», souligne le rapport de la Commission des pétitions.

Politique de l'autruche

«Il est temps que les autorités cantonales secouent Leurs Excellences de Berne, qui pratiquent depuis trop longtemps la politique de l'autruche, a martelé le président de la commission, Jérôme Christen (Alliance du centre). Les sans-papiers font partie de la réalité économique de notre pays. L'hôtellerie-restauration, la construction ou encore l'économie domestique en ont besoin.»

Une déclaration qui a aussitôt suscité des réactions offusquées de représentants de ces branches. «Nous avons mis de l'ordre dans notre ménage», a assuré Frédéric Haenni, député radical et président de GastroVaud. «La branche de l'hôtellerie-restauration connaît encore beaucoup de travail au noir», a rétorqué Grégoire Junod, député socialiste et secrétaire syndical à Unia. Les derniers contrôles effectués par la commission tripartite ont en effet révélé de nombreuses infractions.

Pour le radical Serge Melly, cette situation ambiguë ne permet donc pas aux autorités de se réfugier derrière le légalisme. «L'Etat cautionne l'hypocrisie et la fausseté, il ne peut donc pas se prévaloir du respect de la loi. Soit il expulse ces milliers de personnes, mais il se rendra vite compte que cela pose un problème pratique, soit il admet une bonne fois que leur vie est ici.»

Service rendu à l'UDC?

L'UDC a appelé à jeter la pétition aux oubliettes. «Si l'on accorde à ces personnes le droit de travailler, on leur donne aussi le droit de ne pas avoir de travail et de toucher l'assurance-chômage», a averti le député Jean-Luc Chollet. «En acceptant cette pétition, vous rendrez service à l'UDC», a menacé le président de groupe Pierre-Yves Rapaz. Selon l'extrême-droite, les défenseurs des sans-papiers se trompent de porte. Seules les autorités fédérales peuvent accorder des régularisations.

La pétition demande justement au canton de «prendre son bâton de pèlerin» et d'aller à Berne, a répondu Jean-Michel Dolivo (A gauche toute!). Une démarche qui ne sera pas forcément vaine, au vu des récentes déclarations de la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf sur la formation professionnelle des sans-papiers. Dans une interview publiée samedi dans «24 heures» et «La Tribune de Genève», la cheffe du Département de justice et police a confié qu'«à titre personnel, il [lui] est difficile de comprendre pourquoi des jeunes gens qui ont été scolarisés ici se verraient privés de formation». I

PHILIPPE LEUBA: «FAITES CE QUE VOUS VOULEZ»

MR    

Le ministre de l'Intérieur Philippe Leuba n'a pas ménagé ses efforts pour combattre la pétition. La liste des familles sans papiers a été établie de manière «arbitraire», a jugé le conseiller d'Etat libéral. «Si on régularise ceux-là, il y aura une charrette suivante la semaine prochaine!» Philippe Leuba a aussi tenté de jeter le discrédit sur la pétition en indiquant que, selon ses services, «une des personnes concernées serait en détention». Pour des raisons pénales ou administratives? A cette question de la députée socialiste Cesla Amarelle, le ministre n'a pas été en mesure de répondre.

Philippe Leuba a également suscité l'ire de certains députés en suggérant qu'il ne tiendrait pas compte du voeu du parlement: «Vous ferez naturellement ce que vous voulez sur cette pétition, je peux vous dire que le Conseil d'Etat n'entend pas dévier de sa politique qu'il veut à la fois humaine et réaliste.» MR



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Le parlement oblige l’exécutif à se pencher sur les clandestins

PÉTITION | Le Conseil d’Etat voulait enterrer une pétition en faveur de clandestins. Le Grand Conseil le force à intercéder à Berne pour la régularisation de 67 familles de sans-papiers.

Photo : ARC/Jean-Bernard Sieber - Philippe Leuba ne veut à aucun prix renoncer à la légalité dans les questions de politique migratoire. «Ne jamais répéter l’exception vaudoise», répète-t-il, faisant allusion à l’époque où Vaud refusait d’exécuter des expulsions.

JUSTIN FAVROD | 17.03.2010 | 00:02

Le parlement vaudois se montre, à nouveau, sensible au sort des clandestins. Il en a donné une nouvelle preuve hier en transmettant, à une courte majorité, une pétition munie de 3561 signatures pour que le Conseil d’Etat intervienne à Berne afin de régulariser 182 clandestins répartis en 67 familles. Philippe Leuba, chef du Département de l’intérieur, ne voulait pas entrer en matière: «La pétition demande que l’on sursoie entre-temps à leur expulsion, ce qui est illégal, et le Conseil d’Etat ne veut agir que dans la légalité.»

Rares régularisations

La gauche de l’hémicycle a plaidé la cause de clandestins «là depuis des années, payant des impôts à la source, s’acquittant de cotisations aux assurances sociales et scolarisant leurs enfants». L’écologiste Sandrine Bavaud a opposé cette demande de 182 régularisations aux «10 000 à 15 000 clandestins vivant dans le canton». A l’inverse, une bonne partie de la droite s’est opposée «à une régularisation collective qui créerait un appel d’air». Elle a argué du peu de succès des régularisations de clandestins, 98% des demandes vaudoises étant rejetée par Berne. Le canton n’a obtenu que 18 régularisations en 2007, 35 en 2008 et 9 en 2009.

Le centriste Jérôme Christen, président de la Commission des pétitions, a jeté un beau pavé dans la mare en pointant du doigt les secteurs de la restauration et de la construction comme employeurs de clandestins. Le radical Frédéric Haenni, président de GastroVaud, a rétorqué que les mesures et les contrôles s’étaient multipliés et qu’il fallait chercher surtout ailleurs les travailleurs clandestins. Dans le personnel de maison.

Autre pavé dans la mare: Philippe Leuba a relevé qu’un des clandestins défendus par la pétition a fait un séjour en prison au moment de l’examen de la pétition. Mais ni lui ni les membres de la commission ne savent pour quelle raison: délit pénal ou simple détention pour violation de la loi sur le séjour des étrangers? En l’absence de réponse et après un vote presque à égalité, le oui l’a emporté: dans un second vote nominal, une majorité de 69 députés contre 67 a demandé au Conseil d’Etat d’agir.

Peu probable que ce dernier fasse preuve de beaucoup d’empressement au vu des réticences exprimées par Philippe Leuba au cours des débats.